La liberté d’installation au Québec. Un billet qui parle des PREM(S)

Obtenir son permis d’exercice c’est bien, mais il vous faudra ensuite vous faire recruter par un établissement de santé.

Et le permis d’exercice que vous obtiendrez en vertu de l’ARM ne vous permettra pas d’exercer partout, loin s’en faut. A l’heure ou nous nous battions dans la rue en 2007 pour sauver la liberté d’installation à grand coup de HAKA (seuls ceux qui y été pourront comprendre), cela faisait déjà plusieurs années que la liberté d’installation n’existait plus au Québec. Il faut dire que le  Québec permet de redéfinir la notion de « déserts médicaux ».  Avec une superficie égale à 7 fois la France pour 8 millions d’habitants, la désertification médicale de certaines villes éloignées est dramatique: Peu de médecins étaient finalement tentés pour aller exercer à Sept-Iles, 25000 habitants, 1000km au nord de Montréal,  température positive moyenne de juin à octobre. On peut les comprendre.

Et à l’heure ou nos politiques s’écharpent entre le choix de l’incitatif ou du coercitif, le Québec a pragmatiquement choisi les deux. Il est intéressant de connaître la stratégie partiellement payante qui a été adoptée, pour peut-être en tirer le meilleur chez nous.

Les mesures  coercitives: On commence par ce qui fâche.Tout médecin titulaire d’un permis restrictif (comme le votre) ne peut exercer que dans un établissement ou  des places sont disponibles en vertu du Plan d’Effectif Régional Médicaux (PREM). Les PREM sont édités plusieurs fois par an, la dernière fois à l’heure ou j’écris ces lignes il y a 3 mois. Vous ne pouvez pas travailler dans un établissement « complet » sur le plan des effectifs, encore moins vous installer en cabinet. Selon les spécialités, il existe des PREM dans les grandes métropoles (Montréal, Québec ou Sherbrooke). Pour d’autres spécialités comme la psychiatrie vous devez  passer par le permis professeur pour y travailler, ces villes vous seront sinon inaccessibles.

Vous pouvez retrouver la liste des PREM pour toutes les spécialités ici, pour la médecine générale ici. Les généralistes ont accès en général aux villes universitaires, mais ils sont pris d’assaut en début d’année. Généraliste à Montréal, oui c’est possible donc. Les psychiatres, à Sept-iles. Uhuhuh. Les besoins sont loin d’être couvert, à l’heure d’aujourd’hui il reste par exemple 26 postes de médecine générale, 18 postes de cardiologie, 52 postes de psychiatrie, 38 de médecine interne, 35 de dermatologie, 12 de gastro-entérologie. La lutte contre la désertification médicale n’est donc pas terminée.

Les mesures incitatives: Elles concernent les médecins  qui auront fait le choix de s’installer dans les zones les plus désertés, et donc de combler des PREM d’établissement en « souffrance ». Cela vous concerne donc directement. Les avantages sont financiers et en nature.

  • La valorisation des actes est indexée en fonction de l’éloignement d’une grande métropole: Si à Montréal un acte est valorisé 100%, les régions les plus éloignés valorisent leurs actes à 145% pour les spécialistes et 130% pour les généralistes. Et cette valorisation augmente avec le nombre d’année passé en régions éloignées.  Autrement dit, si à Paris une consultation est à 23€, elle serait à Aurillac de 30€. En terme de salaire annuel, un généraliste gagnerait en moyenne 70.000€ annuel à Marseille et proche de  100.000€ annuel à Guéret. En réalité la cotation de base pour une consultation en médecine générale au Québec est d’environ 120$, ce qui fait 170$ revalorisé au maximum. Vous trouverez la carte du Québec indiquant la revalorisation des actes pour les généralistes ici et pour les spécialistes ici. On reparlera des salaires des médecins au Québec une autre fois, mais oui ils gagnent plus (230.000$ annuel en moyenne).
  • Prime d’installation: elle varie de 15.000$ à 30.000$ selon le déficit en médecin dans la région.
  • Prime de rétention: Elle peut vous être accordée annuellement si vous exercer une spécialité particulièrement en manque dans une région donnée. Elle est d’environ 15000$ par an.
  • Prime d’éloignement: Elle est versée annuellement au spécialiste ou au généraliste et fluctue entre 5600$ et 19000$ en fonction de l’éloignement.
  • Il existe une prime par garde de nuit ou par astreinte, uniquement pour les spécialistes: 200$ en semaine, 550$ en week-end, qui viendront s’ajouter aux actes réalisés pendant la garde.
  • 20 jours par an de « ressourcement » pour partir en milieu universitaire se former. Ces jours sont rémunérés 600$ par jours et les frais de transport sont remboursés.
  • Frais de sortie: Les frais de sortie sont remboursés à hauteur d’un billet d’avion AR entre votre région et Montréal. En fonction de l’éloignement, c’est jusqu’à 4 billets d’avions annuels qui sont pris en charge.
  • Frais de déménagement pris en charge (uniquement pour les spécialistes?)
  • Bourse de perfectionnement: Vous pouvez bénéficier jusqu’à 12 mois de formation rémunérés pour vous former ou acquérir un diplôme complémentaire.

Enfin sachez qu’après 3 ans en régions éloignées vous pourrez intégrer l’établissement de votre choix même si les PREM sont comblés!

L’ensemble des mesures incitatives est disponible ici pour les généralistes et ici pour les spécialistes.

Si on résume donc, la liberté d’installation pour les permis restrictifs n’existent pas. Vous ne pouvez exercer que dans les établissements qui ont des postes disponibles. Malgré cela, les compensations et les mesures incitatives sont extrêmement importantes. Ce n’est que mon avis, mais il y a fort à parier que de telles mesures si elles étaient mises en place résoudraient le problème des déserts médicaux, sans pour autant toucher à la liberté d’installation ou au conventionnement. Surtout que le mode d’exercice se fait en milieu hospitalier (même pour les généralistes, qui travaillent en « dispensaire). Et vous, seriez vous prêt à partir exercer dans des déserts médicaux avec de telles mesures incitatives?

13 réflexions au sujet de « La liberté d’installation au Québec. Un billet qui parle des PREM(S) »

  1. Ma réponse à moi et elle n’engage que moi est NON.

    On l’a dit et redit, les mesures incitatives purement fiduciaires ne mèneront à rien en France, c’est la pratique à la française qui est malade et ne fait plus envie.

    En plus, tu pars de postulats un tant soit peu erronés (les mêmes que ceux des politiques, c’est dire): les déserts médicaux sont maintenant aux portes de Paris et non plus au fin fond du Larzac, cf l’Atlas de démographie médicale 2011. Va justifier ensuite au regard de la population une prime d’éloignement, des frais de sortie et de déménagement pour le gars qui accepte de s’installer en Seine-Saint-Denis ou dans le Val d’Oise…

  2. Exact, la problématique est différente mais les mesures incitative fonctionnent je crois, que ce soit dans d’autres pays ou dans les DOM-TOM…Si le maillage médicale se retisse (putain 😀 ) dans ces « déserts », la pratique sera plus confortable. Je suis d’accord pour dire que les médecins ne veulent pas être seul seuls, faire 1 garde un jour sur 2 etc, mais donc il faut du monde et il faut les inciter. Pas question pour autant de mettre un généraliste seul dans un village, mais un genre de « dispensaire » qui couvrirait plusieurs villages, avec des généralistes (mieux payés), des spécialistes qui viennent faire des vacs (vacations valorisés) etc.
    Ce qu’on sait par contre, c’est que le coercitif pur ne fonctionne pas. Comme en Allemagne avant. Et le Québec, malgré cette politique très avantageuse en terme d’incitation, n’empêche pas un exode de ces médecins vers l’Ontario ou les usa pour des raisons…financière!

  3. Il est clair que si on me demande gentiment d’aller faire des vacations genre 1 fois par semaine en « désert médical » à qq dizaines de km de chez moi, je pourrais accepter, si toutefois les conditions matérielles et financières sont justes et honnêtes.
    Mais on peut faire confiance aux pouvoirs publics, malheureusement, pour se montrer rapiats, tenir un double langage, promettre beaucoup et faire peu, etc.

  4. Ping : Logistique peu logique et autres considérations | Je serais médecin au Canada. Un jour. Peut-être.

  5. Ping : L’ARM ne durera pas éternellement (bougez vous) | Je serais médecin au Canada. Un jour. Peut-être.

  6. Ping : Combien gagne un médecin au Québec? | Je serais médecin au Canada. Un jour. Peut-être.

  7. « Enfin sachez qu’après 3 ans en régions éloignées vous pourrez intégrer l’établissement de votre choix même si les PREM sont comblés! »

    Ceci veut dire que tu peux choisir l’hôpital que tu désire PARMI LES PREM ou PARMI TOUS LES HOPITAUX DU QUEBEC?

    Merci pour ta réponse

  8. bonjour,
    je suis venu au Québec en Août, je fais le dossier actuellement pour venir exercer en tant que médecin de famille , j’ai 46 ans…
    J’apprécie tous types d’activités dont la santé mentale, les prises en charge de malades chroniques ….
    Je compte finir la médecine libérale fin 2014.
    Je recherche donc un DSP pour me permettre de faire le stage d’adaptation.
    Je me prépare à faire le ACLS; je lis que l’on peut poursuivre les formations pendant la vie professionnelle, cela est intéressant surtout si on est « plongé » dans une spécialité particulière.
    Pourrait on enchanté par mail, afin de discuter?
    Merci,
    Cordialement Stéphane
    L

  9. Bonjour, Comment avez vous fait pour etre à Montreal malgrès les prems? Il y avait des places disponibles quand vous vous etes inscrits?

    Pour ce qui est des « 3 ans », on peut choisir n’importe quel hôpital 3 ans passé?

    • J’ai eu de la chance et effectivement c’était plus facile avant. Ce n’est pas 3 ans mais 5 ans pour le retour et en fait ce n’est plus vraiment appliqué…donc on ne peut pas compter la dessus.

Répondre à Jeremie Annuler la réponse.